Discours de Sa Majesté le Roi Mohammed VI devant les responsables des Régions, Wilayas, Préfectures et Provinces du Royaume, cadres de l'administration et représentants des citoyens

Casablanca le 12/10/1999

Louange à Dieu
Que la prière et la bénédiction soient sur le Prophète, Sa famille et Ses compagnons
 
Fidèles serviteurs et sujets dévoués, walis, gouverneurs, présidents de conseils et corps élus locaux;
Mesdames et Messieurs;
 
Il nous est agréable de vous rencontrer à l'occasion de ce rassemblement béni groupant les responsables des Régions, wilayas, préfectures et provinces, cadres de l'administration et représentants des citoyens. Il est de bon augure que cette réunion se tienne dans la ville de Casablanca, capitale économique du Royaume qui jouit d'une place particulière, non pas uniquement en tant que pôle économique du Royaume, mais aussi du fait que les impératifs de la modernisation et de la compétitivité ne l'ont pas détourné de son authenticité, ni vidé de son âme.
 
Elle reunit en effet dans l'harmonie et la cohérence, de multiples facteurs qui en donnent une image résumant la réalité de la nation en perpétuel renouveau, à commencer par ses habitants qui y ont afflué de différentes régions, en passant par les professions, métiers, industries et centres de production diversifiés, jusqu'aux infrastructures multiples qui lui confèrent la place privilégiée qui est la sienne .
 
Ce qui rehausse davantage sa place dans notre coeur et celui de l'ensemble des marocains, c'est le rôle qu'elle a joué dans la lutte pour la dignité et la liberté du Maroc, menée sous la conduite du Héros de la libération, notre regretté grand-père, Sa Majesté Mohammed V, ce qui lui a valu le surnom de ''Roi des Carrières centrales''.
 
Notre vénéré Père, Sa Majesté le Roi Hassan II, que Dieu ait son âme, entourait votre ville d'une grande sollicitude et d'un intérêt extrême. Il la considérait, à juste titre, comme la locomotive économique de l'ensemble du Maroc. En retour, la ville de Casablanca et ses habitants ont témoigné au regretté Souverain une affection, une reconnaissance et une fidélité qui n'avaient d'égales que l'amour et la générosité dont il les entourait .
 
Pour conforter cette place privilégiée de la ville de Casablanca, le regretté Souverain, que Dieu bénisse Son âme, a tenu à lui conférer un cachet spirituel en y érigeant un monument religieux et civilisationnel qui fait la fierté du Maroc, à savoir la mosquée Hassan II.
 
Mesdames et Messieurs,
 
Nous nous réjouissons de cette rencontre qui nous réunit avec les responsables en charge des affaires locales, choisis par les habitants, et ceux veillant sur la marche des services publics et qui sont les représentants de notre gouvernement dans leurs domaines respectifs.
 
La responsabilité de l'autorité dans les divers domaines de ses compétences consiste à assurer la protection des libertés, à préserver les droits, à veiller à l'accomplissement des devoirs et à réunir les conditions nécessaires qu'exige l'Etat de droit et ce, à la lumière des choix pour lesquels nous avons opté, à savoir la Monarchie constitutionnelle, le multipartisme, le libéralisme économique et les obligations sociales, tels que consacrés par la constitution et concrétisés dans la pratique.
 
Nous voudrions à cette occasion expliciter un nouveau concept de l'autorité et de ce qui s'y rapporte, un concept fondé sur la protection des services publics, des affaires locales, des libertés individuelles et collectives, sur la préservation de la sécurité et de la stabilité, la gestion du fait local et le maintien de la paix sociale. Cette responsabilité ne saurait être assumée à l'intérieur des bureaux administratifs qui doivent, au demeurant, rester ouverts aux citoyens, mais exige un contact direct avec eux et un traitement sur le terrain de leurs problèmes, en les associant a la recherche des solutions appropriées.
 
Notre administration territoriale se doit d'axer son intérêt sur des domaines qui revêtent désormais une importance particulière et un caractère prioritaire, telles la protection de l'environnement et l'action sociale, et de mobiliser tous les moyens pour intégrer les couches défavorisées au sein de la société et assurer leur dignité.
 
Si notre choix porté sur la décentralisation est inébranlable, et pour conférer à celle-ci une dimension nouvelle, nous ordonnons à notre gouvernement de soumettre à notre appréciation un projet de loi amendée permettant d'adapter le régime communal aux innovations de la vie locale et ce, à la lumière des recommandations du 7ème colloque national qui ont reçu l'approbation de notre vénéré père, que Dieu bénisse son âme.
 
La Région, qui a été consacreé par la constitution de notre Royaume, constitue un jalon essentiel dans la consolidation de la démocratie locale, un domaine fécond pour le développement économique et social et un vaste espace pour la réflexion et la planification, dans un cadre large et pour un avenir meilleur, dans la coopération et l'harmonie avec les autres entités territoriales, en tant qu'outil d'unification et facteur de cohésion.
 
Nous ordonnons à cet égard à notre gouvernement de s'atteler, dans les plus brefs délais, à l'élaboration d'un ensemble de textes d'application de la loi régissant la Région afin que cette institution puisse participer à l'œuvre de développement.
 
La décentralisation ne peut atteindre les objectifs escomptés que si, parallèlement, est engagé un processus de déconcentration qui implique le transfert des attributions de l'administration centrale à ses délégués locaux.
 
Mesdames et Messieurs,
 
Vous saisissez, sans nul doute, l'importance du facteur économique et social et l'intérêt tout à fait particulier que nous lui accordons.
 
Partant de la confiance dont jouit notre pays auprès des partenaires économiques et des institutions financières et monétaires, nous aspirons à réaliser un bond qualitatif dans le domaine économique.
 
Le processus encourageant qui a permis à notre pays de s'insérer parmi les économies émergentes n'est point le fruit du hasard. Notre pays a connu, en effet, au cours de la dernière période une série de réformes économiques, financières, fiscales et juridiques dans le but d'impulser l'économie et de promouvoir l'investissement.
 
Tout en enregistrant avec satisfaction la capacité de notre économie à s'adapter aux mutations internationales, nous considérons que les résultats enregistrés sont en deça de nos aspirations. L'investissement privé qui constitue la pierre angulaire du décollage économique demeure hésitant et dominé par l'attentisme, le manque d'audace et de créativité.
 
Nous sommes conscient de l'existence d'une série d'entraves structurelles, tels la discordance au niveau des centres de décision et le fossé existant entre l'esprit et la lettre des lois, ce qui se répercute négativement sur leur mise en œuvre et se traduit par une lenteur dans la réalisation, sans qu'il y ait de mécanismes juridiques permettant de lutter contre ces pratiques.
 
Afin d'aplanir toutes les difficultés et offrir des opportunités d'investissement au secteur privé national et étranger, s'agissant en particulier des petites et moyennes entreprises sur lesquelles nous fondons des espoirs pour la création d'emplois destinés à différents niveaux de compétences et de qualification, nous avons décidé de créer un comité d'experts placé sous notre présidence et obéisssant aux règles de la rationalité, en vue d'identifier les lacunes et proposer les moyens à même de simplifier les procédures et à éliminer tous les obstacles entravant les rapports harmonieux devant exister entre l'investisseur et l'administration afin d'éviter d'incommoder les personnes concernées, de leur faire perdre confiance et, par voie de conséquence, de susciter chez eux une hésitation à réaliser leurs projets, voire y renoncer.
 
Notre détermination est également grande, dans le but de renforcer ce cadre incitatif pour les opérateurs économiques, d'oeuvrer pour la consolidation de l'Etat de droit dans le domaine économique, la réforme de la justice, l'augmentation du nombre des tribunaux commerciaux et l'élaboration des lois financières adéquates.
Nous souhaitons toutefois attirer l'attention sur le fait que la promotion des secteurs économique et social a besoin, outre ce qui a été précédemment énoncé, d'autres facteurs pour le consolider, en premier lieu le rapprochement entre les différents intervenants dans ces secteurs et les représentants de la population, qui doivent prendre part aux débats et exposer leurs points de vue pour arrêter les choix adéquats au niveau local, ce qui ne manquera pas de consacrer les vertus de la concertation et du dialogue, dans la franchise et la clarté, et de renforcer chez tout un chacun le sentiment de considération de soi, dans le cadre du respect de la liberté de travail et des droits syndicaux, tout en accordant l'intérêt nécessaire à l'action sociale. Une telle démarche doit permettre à tous les citoyens, sans considération ou distinction de pouvoir participer et s'intégrer, de façon à leur procurer les conditions de confort et de prospérité.
 
Mesdames et Messieurs,
 
Le Maroc a pu entreprendre des réformes radicales qui lui ont conféré crédibilité et lui ont permis d'édifier un projet de société dont l'assise démocratique est confortée par une croissance durable.
 
Cette conviction et le sentiment de satisfaction que nous éprouvons tous nous incitent à davantage de confiance et renforcent notre foi, tout comme ils nous encouragent à poursuivre inlassablement nos efforts non seulement pour résoudre les difficultés aussi complexes soient elles, mais aussi pour entrer de plain pied dans le prochain siècle si proche et relever ses grands défis en vue d'accompagner l'innovation scientifique et technologique et les exigences de la mondialisation .
 
Persévérez -que Dieu vous garde, vous accorde succès et guide vos pas- sur la voie que nous avons tracée et transmettez à nos sujets dans toutes les Régions et provinces notre haute sollicitude et notre bienveillance. Veillez sur leurs intérêts, accordez la plus grande attention à leurs affaires et assumez la lourde charge de vos responsabilités avec sincérité, loyauté, honnêteté, droiture et persévérance pour la réalisation des réformes auxquelles nous aspirons.
 
''Je ne veux que réformer autant que je puis. L'assistance ne me vient que de Dieu. sur Lui je m'appuie et vers Lui je reviens repentant''(Coran).