Discours de S.M le Roi Mohammed VI lors de l'ouverture de la session d'automne de la quatrième année législative du parlement

Rabat le 13/10/2000

"Louange à Dieu,
Que la prière et la paix soient sur le Prophète, sa Famille et ses Compagnons
 
Mesdames et messieurs les membres du Parlement,
 
Il nous est agréable d’ouvrir la session d’automne du Parlement, partant de Notre attachement à la démocratie à travers ses institutions représentatives, cette même démocratie qui, si elle est pratiquée par des démocrates, s’avérerait un levier important du développement global alors que si elle est entachée de pratiques électorales irrégulières deviendrait un fardeau pour la nation.
 
Est-ce donc une fatalité pour nous que la pratique démocratique saine soit un rêve gâché ou un mirage trompeur ?
 
Bien au contraire, l’Etat est fermement déterminé à œuvrer avec persévérance et efficacité pour donner à la pratique démocratique sa véritable et saine signification marquée par la liberté de choix, et à préserver sa sacralité de toutes les pratiques viles.
 
Partant du souci de Notre Majesté de consolider l’édifice démocratique et d’en faire le socle solide du décollage économique et de la solidarité sociale auxquels nous aspirons, Nous nous réjouissons, comme Nous l’avions promis à notre cher peuple dans le discours du Trône, de nous pencher sur le raffermissement de cet édifice à partir de sa structure fondamentale, à savoir les collectivités locales.
 
Afin que ces collectivités puissent jouer leur rôle en tant qu’acteur économique et social fondamental, le moment est venu de substituer à leur gestion administrative bureaucratique un mode de gestion démocratique responsable et incitatif de l’investissement.
 
A cet égard, nous appelons le gouvernement et le parlement à se pencher, dans un esprit de responsabilité et de dialogue fructueux, sur l’élaboration et l’adoption de textes à même de permettre aux Conseils locaux d’assumer le rôle de partenaire agissant dans le processus de développement que nous attendons d’eux.
Ainsi, la réforme de la charte des Collectivités locales, communales, provinciales et régionales, doit être mue par les quatre objectifs suivants:
 
- Premièrement : amélioration du statut et de la situation de l’édile et la recherche d’un meilleur système de gestion locale, à titre d’exemple, à travers la limitation des responsabilités exécutives aux candidats répondant à un niveau minimum d’aptitudes et de formation, avec l’interdiction du cumul des mandats locaux.
 
- Deuxièmement : renforcement des mécanismes de protection des services publics à travers une séparation claire entre les deux fonctions de délibération et d’exécution, l’interdiction à l’élu d’établir des relations d’intérêts, particulièrement avec la commune dont il est membre, et la consolidation du contrôle externe par le biais des audits et des cours des comptes régionales.
 
- Troisièmement : extension du champ de la gestion locale à travers l’élargissement des compétences des conseils locaux et des attributions de leur président, le transfert des compétences et des crédits, selon une conception avancée de la décentralisation et de la déconcentration, l’atténuation de la tutelle en faisant prévaloir le contrôle a posteriori sur le visa préalable et le contrôle de proximité sur la tutelle centralisée, la réduction des délais d’approbation des décisions des conseils locaux, l’institution du droit de consultation préalable, le contreseing des décisions des représentants de l’Etat et la validité du recours contre les décisions non conformes aux délibérations du conseil.
 
- Quatrièmement : création d’un nouveau système de gestion urbaine consacrant le principe de l’unité de la ville, gérée par un Conseil de la ville qui exerce toutes les responsabilités municipales, avec à ses côtés des conseils de circonscriptions comme unités sectorielles, ne jouissant pas de la personnalité morale ni de l’autonomie financière, chargées de la gestion des affaires nécessitant une proximité vis-à-vis des citoyens.
 
Ce système est de nature à garantir à la ville une unité de gestion, l’aménagement de son espace et son développement, tout en faisant bénéficier les citoyens et les investisseurs d’une administration de proximité afin de leur fournir les services de base dont ils ont besoin.
 
Afin que les conseils régionaux assument le rôle que nous attendons d’eux comme acteurs essentiels dans le développement économique, l’entraide sociale et la gestion spatiale, Nous avons donné Nos instructions à Notre gouvernement en vue d’accélérer la promulgation de tous les textes réglementaires y afférents et de dynamiser le Fonds de solidarité pour le développement régional.
 
Pour dynamiser le rôle de la région dans le décollage économique, il est impératif que chaque conseil régional agisse selon une vision stratégique globale et harmonieuse pour le développement de la région et dispose d’une banque de projets d’investissement susceptibles d’être réalisés dans la limite de sa circonscription territoriale ou en partenariat avec d’autres régions et ce, en recourant à des mécanismes d’ajustement, d’adaptation, d’actualisation et de recentrage du processus de développement régional en tenant compte des mutations et des développements rapides que connaît l’environnement économique et technologique.
 
Dans la même démarche visant à stimuler et à faciliter l’investissement, le guichet unique efficace censé être l’interlocuteur de l’investisseur n’est pas nécessairement le seul guichet national, mais plutôt le guichet unique au niveau de chaque région et province du fait qu’il traite directement des opérations d’investissement.
 
A cette fin, il importe de créer un guichet unique des investissements, au niveau régional auprès de chaque wali, et au niveau provincial auprès de chaque gouverneur, en arrêtant un délai raisonnable et rapproché pour statuer sur les dossiers des projets d’investissement.
 
Nous sommes déterminé à accompagner la réforme de la charte communale par des réformes avancées concernant le code électoral, le découpage électoral et communal, les finances locales et les statuts des fonctionnaires et des biens communaux, notre objectif idéal étant la création d’espaces harmonieux de développement et l’institution d’une fiscalité locale incitative à l’investissement, empreinte de transparence et de rationalité, et la réduction au maximum du nombre élevé d’impôts et de taxes locaux, dans le cadre d’une parfaite harmonie entre les fiscalités locale et nationale afin d’en faire des outils essentiels pour encourager l’investissement productif et réunir les ressources nécessaires pour le financement du développement local et des opérations d’intérêt général.
 
Il sera procédé à la révision du code électoral dans le sens de la consolidation de la démocratie et de la liberté de choix et ce, à travers l’amélioration des mécanismes électoraux en vue de garantir la transparence et le libre choix électoral, la moralisation du processus électoral pour lui conférer une crédibilité à même de permettre à une élite imprégnée des vertus de dévouement au service de l’Etat et du service public, de rectitude et d’honnêteté, d’assumer la responsabilité de la gestion de la chose publique.
 
Mesdames et messieurs les membres du Parlement,
 
La forte charge politique des deux projets de réforme de la charte communale et de son code électoral ainsi que les projets de réforme des codes des libertés publiques et les échéances politiques, électorales et partisanes, qui se profilent à l’horizon, à court et moyen termes, ne doivent pas être dominées par des calculs politiciens au point d’occulter les grands défis socio-économiques auxquels nous faisons face. Notre classe politique, toutes tendances confondues, doit considérer ces échéances comme des moments forts de mobilisation et d’implication dans le Jihad économique et social.
 
Lorsque Nous appelons à bannir la politique politicienne qui pourrait, dès à présent, entraîner le pays dans une campagne électorale prématurée, Nous insistons sur la réhabilitation de l’action politique au sens noble du terme qui implique la légitimité des ambitions personnelles et humaines mais dont la finalité est l’émergence d’hommes d’Etat qui se distinguent par la défense d’un projet sociétal et leur dévouement à son service, et non pas par la quête d’un quelconque intérêt personnel ou d’une catégorie.
 
La réalisation du développement, la démocratisation et la modernisation nécessitent l’amélioration et le renforcement des structures d’intermédiation et d’encadrement politique, que sont les partis politiques, les centrales syndicales, les associations et les médias, ainsi que l’élargissement de la participation à tous les niveaux, local, régional et national.
 
Les organisations et les formations fondées sur la démocratie interne, le respect du droit à la différence, la compétence, la modernité, la rationalité et l’efficacité, gérées en tant qu’entités politiques capables de former des élites compétentes, imbues des valeurs de l’efficience économique, de la solidarité sociale et de la moralisation de la vie publique, et capables de vulgariser une saine éducation politique, de proposer des solutions et de concevoir des projets sociétaux, sont susceptibles de donner à la démocratie marocaine une nouvelle impulsion qui libère les énergies, ravive l’espoir et ouvre les horizons.
 
Avec le même esprit de patriotisme sincère, Nous appelons le syndicat citoyen à promouvoir la mission de la classe ouvrière en tant que force de proposition, de participation, d’encadrement et de mobilisation en vue de gagner le pari du décollage économique.
 
Nous sommes également déterminé, en ce qui concerne les chambres professionnelles, à enraciner une nouvelle conception faisant de ces chambres un véritable levier de l’investissement productif et bannissant tout comportement visant à faire d’elles un tremplin électoral ou s’en servir pour réaliser un quelconque intérêt. Il s’agit de leur insuffler un nouvel élan et de corriger les anomalies actuelles qui ne doivent pas perdurer ni se reproduire.
 
En accomplissant les missions qui leur sont dévolues politiquement, économiquement et socialement, ces divers organismes et opérateurs conforteront les efforts sincères et persévérants et les initiatives louables que déploie le gouvernement de notre Majesté dans les différents domaines pour la réalisation des aspirations de notre peuple fier au progrès et à la prospérité.
 
Mesdames et Messieurs les membres du Parlement,
 
Nous sommes fermement déterminé à conduire notre peuple vers une démocratie qui associe toutes les potentialités et les incite à mener le Jihad économique et social.
 
Un effort considérable nous attend tous et nous devons y contribuer avec la même efficacité et le même enthousiasme dont nous voulons que les organes législatif et exécutif fassent preuve, tout comme l’ensemble des intervenants sur la scène nationale.
 
Nous voudrions également que les vertus de responsabilité et de sérieux deviennent une éthique commune à tous, tant au sein des partis politiques, des centrales syndicales et des organisations de la société civile que de l’ensemble des forces productives dans les secteurs économique et social, tant les défis qui se posent au Maroc sont des défis vitaux qui appellent, pour les relever, la mise à contribution de toutes les potentialités nationales. Tout un chacun doit réaliser que l’avenir se construit dès à présent et que le lendemain sera le fruit de ce que nous réalisons aujourd’hui.
 
Le passage au Maroc de demain ne peut se faire sans rupture avec les mentalités sclérosées, la consécration d’une culture et d’une éthique de l’action, la nécessité de compter sur soi et de faire preuve de persévérance, de rectitude et de dévouement au service de l’intérêt général, car la logique du progrès implique nécessairement un système social et politique basé sur de nouveaux comportements.
 
Dieu ne modifie rien en un peuple, avant que celui-ci ne change ce qui est en lui (Coran)
 
Que la paix, la Miséricorde et la Bénédiction de Dieu soient sur vous. "