Message de SM le Roi aux participants au colloque national sur "l'école et le comportement civique"

Rabat le 23/05/2007

Voici le texte intégral du message royal :

"Louange à Dieu.

Prière et salut sur le Prophète, Sa famille et Ses compagnons.

Mesdames, Messieurs.

Il Nous est agréable de Nous adresser à vous, à l'ouverture des travaux de cet important colloque qui réunit les acteurs éducatifs nationaux, ainsi que des experts venant du Maroc et d'ailleurs. Nous saluons, à cet égard, le choix du thème retenu pour votre colloque, "l'école et le comportement civique", et estimons que c'est là le meilleur choix que le Conseil supérieur de l'Enseignement ait pu faire pour lancer ses activités publiques.

Nous sommes, en cela, convaincu de la nécessité impérieuse d'ancrer, dans les pratiques quotidiennes des individus, des communautés et des institutions, les valeurs de citoyenneté et les vertus du civisme, notamment au vu des mutations profondes que connaissent actuellement les systèmes de valeurs et les référentiels culturels. Cela participe également de l'attention spéciale que Nous attachons à l'institution éducative qui a pour vocation de développer la première richesse du Maroc, que sont sa jeunesse et ses générations citoyennes.

Mesdames, Messieurs.

Le développement du civisme a pour finalité ultime de former un citoyen attaché aux constantes religieuses et patriotiques de son pays, pleinement respectueux des symboles de sa nation et des valeurs civilisationnelles d'ouverture qui sont les siennes, et fermement attaché à son identité, dans toute la diversité des affluents qui l'irriguent. Outre le souci d'en faire un citoyen fier d'appartenir à son pays, conscient de ses droits et de ses devoirs et imprégné des vertus de l'effort.

Il s'agit de l'initier à ses obligations envers la patrie et à ses responsabilités envers soi-même, sa famille et sa communauté. Il s'agit aussi de l'inciter à s'imprégner des valeurs de tolérance, de solidarité et de coexistence, lui permettant ainsi d'apporter son concours à la vie démocratique de son pays, armé de confiance et d'optimisme, sachant compter sur soi-même et faire preuve d'un véritable esprit d'initiative.

De tels nobles desseins s'inscrivent dans le cadre du choix irréversible que Nous avons fait de consolider les jalons du Maroc de la citoyenneté responsable, de la démocratie et de la solidarité, et de consacrer l'Etat de droit, dans un esprit d'ouverture sur les valeurs universelles. C'est précisément pour ce même choix que Nous avons opté pour lancer les grands chantiers de notre pays, que ce soit la promotion des droits de l'homme, la démocratisation de la société, la restructuration du champ religieux, la réforme du système éducatif, ou la modernisation du secteur de la communication, ou encore la moralisation de la vie publique et la promotion des questions de la famille et de l'enfance.

Cette entreprise a été menée dans un souci de rupture avec les différentes manifestations d'incivisme, de fanatisme, d'extrémisme et d'ostracisme, et ce, quels que soient les référentiels idéologiques et les motivations sociales qui les sous-tendent, à l'intérieur de notre pays ou ailleurs.

Mesdames, Messieurs.

Si, pour les sociétés modernes, la promotion du comportement civique constitue une mission éducative qui revêt un caractère pressant, le devoir de s'en acquitter interpelle, au premier chef, les systèmes éducatifs et leur assigne, à cet égard, une responsabilité centrale et un rôle déterminant qui reste d'une actualité brûlante.

En effet, l'école est appelée, plus que toute autre structure, à s'ouvrir en permanence sur son environnement, en adoptant une approche pédagogique qui place la société au centre de ses préoccupations, et ce, dans l'intérêt bien compris de la nation en général, et de la jeunesse en particulier. Pour cela, il est nécessaire d'appuyer cette synergie qui s'opère entre l'école et les divers acteurs de la vie sociale, culturelle et économique.

Aussi, l'approche destinée à développer le comportement civique et le sens de la citoyenneté, qui sont intrinsèquement liés à l'institution éducative, doit-elle reposer sur cinq piliers majeurs :

Premièrement, chacun doit être convaincu que l'école est ce miroir qui reflète sans cesse les contours de la société de demain, et que pour fortifier la société, il faut d'abord prémunir l'école. Du fait de cette conviction, l'intérêt porté au comportement civique se mue naturellement de simple préoccupation conjoncturelle en une responsabilité normale et un sujet vivant qui demeure constamment d'actualité.

Dans cette optique, la clé de voûte du comportement civique réside dans le respect des valeurs, des règles et des lois qui régissent la vie en société. Il incombe, par ailleurs, à l'Etat et à la société, notamment aux acteurs éducatifs] de veiller à ce que les établissements scolaires et universitaires soient des espaces d'apprentissage et de citoyenneté, s'élevant au-dessus de toutes les surenchères stériles qui n'ont rien à voir avec la noble mission pédagogique dévolue à ces établissements.

Il importe, en deuxième lieu, de considérer le civisme essentiellement comme un système de valeurs éthico-morales, intégré et indivisible, qui emprunte deux voies parallèles et équilibrées.

- La première voie permet de s'imprégner, en vue d'en assurer la dissémination, des valeurs de la citoyenneté pleine et entière, laquelle suppose l'exercice des droits fondamentaux et le respect effectif des devoirs individuels et collectifs.

- L'autre voie est celle de la lutte résolue contre toutes les incivilités, en s'employant notamment à combattre la violence sous toutes ses formes, ainsi que la fraude, la corruption, la maltraitance et autres abus et agissements que récuse la morale et dont les effets pervers sont encore plus pernicieux lorsqu'ils s'installent sournoisement dans les établissements scolaires.

Il faut également garder à l'esprit - et c'est là le troisième pilier- que le véritable défi qui se pose à l'école en matière d'éducation civique tient à sa capacité d'ériger ces valeurs en une véritable culture et une réalité dans la pratique quotidienne. Et si cette prise de conscience et cette conviction doivent se muer en engagements effectifs et en actes tangibles, c'est bien parce que l'école est dépositaire et gardienne des valeurs, tout comme elle est une institution à vocation éminemment sociale.

Pour que l'école puisse assumer cette mission de manière optimale, il faut que les programmes et les supports didactiques puissent intégrer, de façon simplifiée, innovante et moderne, les concepts et les règles liés au comportement civique. En effet, les apprenantes et les apprenants doivent pouvoir les acquérir avec aisance et fluidité - ce qui exige de tous persévérance et créativité.

De même, l'éducation au comportement civique doit trouver son prolongement naturel et pratique dans les relations et les espaces pédagogiques, tant à l'intérieur de la classe, que dans l'environnement immédiat des établissements scolaires. Il faut, en effet, que la vie scolaire et universitaire soit un modèle vivant de la conduite citoyenne responsable. Elle doit être l'exemple même du respect de l'ordre et de la loi, et l'incarnation concrète de la pratique démocratique.

Il faut, en outre, qu'elle constitue un espace de développement des activités culturelles, sportives et créatives. Il appartient aux différents acteurs pédagogiques, dans une complémentarité efficace entre la fonction cognitive de l'école et sa vocation éducative, d'assumer pleinement la mission qui leur est dévolue, notamment en donnant le bon exemple, en faisant preuve d'engagement et de vigilance, et en s'investissant dans des programmes de formation qui soient en phase avec les impératifs de l'heure.

Quant au quatrième élément requis, il implique la reconnaissance du fait que la promotion du civisme est une responsabilité sociétale partagée qui incombe au système éducatif certes, mais aussi à la famille, aux médias et aux institutions à vocation pédagogique, culturelle et d'encadrement.

Si l'on met on relief le rôle central de l'école dans ce domaine, eu égard à la place privilégiée qu'elle occupe dans la vie de chaque individu, et au nombre d'années qu'il est appelé à y passer, cela n'exonère en rien les autres acteurs de la société des missions qui leur reviennent en la matière.

Au contraire, cela tend plutôt à corroborer le caractère complémentaire des rôles et la diversité des fonctions qui doivent être assumées par les différents partenaires. La cinquième et dernière composante veut que l'éducation civique soit perçue et reconnue comme une préoccupation permanente et un horizon ouvert et renouvelé.

Elle repose essentiellement sur les mécanismes d'observation et de suivi et requiert que soient reconnues et appréciées à leur juste valeur les initiatives originales et porteuses. Elle appelle à reproduire et généraliser les meilleures pratiques et à encourager la création et la recherche pédagogique.

Par conséquent. Outre son efficacité dans l'amélioration constante de la qualité des enseignements et des compétences, l'efficacité de notre système éducatif devrait se mesurer à l'aune de son aptitude à développer le comportement civique, à en consolider la pratique quotidienne, à cultiver le goût et à instiller, chez les jeunes, les bonnes manières de la vie en communauté.

Mesdames, Messieurs.

Tels sont les atouts qui nous paraissent essentiels dans le chantier du développement du comportement civique. Ces éléments feront sans doute l'objet d'études et d'analyses approfondies. au cours des travaux de cet important colloque.

La dynamique ayant accompagné les réformes sociétales que connaît notre pays et le processus de réforme de notre système éducatif a, certes, permis d'enregistrer des acquis significatifs dans le domaine de l'éducation à la citoyenneté et aux droits humains il n'en reste pas moins que nous avons le devoir encore de conforter et de consolider ces réalisations.

Nous sommes certain que la démarche empruntée par le Conseil Supérieur de l'Enseignement, en favorisant les échanges de vues dans toute leur diversité, en oeuvrant de façon concertée et productive et en s'ouvrant sur le savoir-faire national et les expériences étrangères, permettra d'aboutir, à terme, et en coordination avec les départements ministériels concernés, à la mise en place d'un cadre d'action, national et intégré, apte à promouvoir et améliorer le comportement civique dans nos établissements d'enseignement et ce, dans la perspective de sa mise en oeuvre dés la prochaine rentrée scolaire.

Nous attendons de ce cadre de travail qu'il traduise concrètement tout le prix que Nous attachons à la formation du citoyen conscient, capable de réaliser un équilibre intelligent et efficient entre ses droits et ses devoirs, un citoyen qui assume pleinement ses responsabilités et accepte volontiers à s'ouvrir sur l'Autre et sur son époque.

Que Dieu vous guide et vous accorde plein succès dans vos travaux".