Message de S.M. le Roi Mohammed VI aux participants aux travaux du colloque "Vers un projet de renaissance arabe"

Fès le 23/04/2001

"Louange à Dieu,
Que la prière et la paix soient sur le Prophète,
Sa Famille et Ses Compagnons
Mesdames et Messieurs,
 
C’est pour nous un motif de joie et de fierté que ce colloque sur le nouveau projet de renaissance arabe se tienne dans notre pays, sous notre Haute sollicitude Royale. Notre fierté puise sa source dans la profondeur de l’appartenance à la civilisation arabo-islamique que le Maroc n’a cessé de clamer à chaque étape de son Histoire, assumant ainsi sa responsabilité historique dans la préservation de son patrimoine, un patrimoine où la ville de Fès compte parmi les plus prestigieuses cités de par ce qu’elle symbolise du fait qu’elle fut le berceau du premier Etat arabo-islamique au Maroc et abrite la première université créée dans le monde islamique, celle des Qaraouiyine.
 
Nul doute donc que le Maroc a aujourd’hui une présence agissante dans le mouvement de la renaissance globale de la nation arabe, aussi bien par la pensée, l’évaluation, la planification que par la pratique. De ce fait, nous ne considérons pas que la tenue de votre important colloque sur le sol du Royaume du Maroc procéde d’une simple hospitalité dictée par la complaisance, mais de l’expression d’un panarabisme en accueillant une des étapes de réflexion sur l’avenir de la nation arabe.
 
C’est aussi un moment d’introspection et d’évaluation pour faire le diagnostic des points de faiblesse qui ont émaillé la marche arabe et ont été à l’origine de son retard par rapport à l’évolution de la civilisation universelle, ainsi qu’une affirmation de l’identité dans une interaction positive avec le progrès scientifique, technologique et économique d’une nation qui dispose de ressources naturelles abondantes, de potentialités humaines prometteuses et d’une identité civilisationnelle et culturelle enracinée, outre sa position stratégique en confluence entre les continents, sur les rives des accès maritimes joignant l’Orient à l’Occident.
 
En nous nous félicitant de cette manifestation intellectuelle, qui réunit une élite distinguée de penseurs arabes, pour le dialogue, l’étude et le débat, en toute franchise et avec l’habituel souci à l’égard du destin arabe qui anime le Centre des études de l’unité arabe, nous voulons que votre rencontre soit une opportunité pour débattre du projet de renaissance arabe, selon une approche scientifique et objective, libérée des idéologies utopistes qui ont perdu de leur impact en raison de l’évolution de la société arabe et des défis auxquels elle fait face.
 
Ces défis qui sont en rapport avec le développement, l’économie et les institutions lui font ressentir la nécessité de changer sa vision de l’avenir, et de la nature des systèmes à même de réaliser le progrès économique et social escompté.
La prise de conscience en la nécessité de changer notre vision et nos systèmes a accusé des décennies de retard, surtout suite aux défaites qu’a subies la nation arabe, sans donner l’impression d’avoir saisi ce que cet instant historique nécessite comme réflexion méthodique et scientifique, celle de placer la pensée critique, méthodique, politique, économique et sociale dans le statut de planification et d’incitation, dans un climat de liberté et de démocratie, et de se pencher sur le vécu arabe au quotidien, à tous les niveaux, par l’analyse, la dissection et la proposition d’une stratégie d’action constructive.
Vous saisissez tous que le monde arabe affronte aujourd’hui plus que jamais des défis qui conditionnent son avenir et le destin de ses peuples, de par la position où il se trouve tiraillé entre les ambitions stratégiques et les intérêts économiques concurrentiels, dans le contexte de la mondialisation, phénomène incontournable, porteur d’une dépendance d’un genre nouveau, si nous ne saurons pas l’appréhender de manière positive.
 
Ces défis nous dictent de dynamiser une véritable solidarité arabe, loin de toute démagogie et de toute logique de calcul étriqué. D’autant que nos peuples connaissent aujourd’hui un nouvel éveil, en premier lieu, nos générations montantes, qualifiées pour changer leur vécu de façon à réussir la transition démocratique escomptée et la qualification scientifique et technologique, pour réunir les conditions du décollage économique qui s’inscrit dans le projet de développement global.
 
Celui-ci ne saurait, au demeurant, avoir lieu sans la coordination arabe, la complémentarité économique et la mise à disposition de tous les mécanismes institutionnels et juridiques, participant de la réalisation de ces objectifs.
Mesdames et Messieurs,
Le choix que vous avez porté sur votre deuxième patrie, le Maroc, pour la tenue de ce colloque, vous donnera, sans doute, l’opportunité de prendre connaissance des projets économiques et sociaux accomplis, sur la voie démocratique, grâce à la Haute conduite de notre vénéré père, Sa Majesté le Roi Hassan II, que Dieu ait Son âme, qui a veillé, grâce à Sa clairvoyance et Sa sagesse, à une époque où prédominaient le régime du parti unique et l’économie planifiée, à ce que le Maroc adopte le pluralisme politique et le libéralisme économique dans le cadre de la monarchie constitutionnelle démocratique et sociale et consacre les mécanismes démocratiques d’alternance, des acteurs politiques, à la gestion de la chose publique locale et nationale, considérant que cette option est le critère véritable de la pratique démocratique à une époque où les influences extérieures et la domination économique ne peuvent être combattues que par le potentiel d’énergies que la Oumma peut libérer, tant au niveau de la créativité et de l’innovation, qu’à celui de la productivité et de la compétitivité.
 
Partant, nous ne saurons avoir d’interaction positive avec la mondialisation avec un esprit dogmatique, mais en s’inscrivant dans sa propre logique, celle du développement économique et de la qualification des ressources humaines dans un climat de participation démocratique véritable.
 
Depuis notre accession au Trône du Royaume, nous œuvrons à consacrer ces options constantes du Maroc, en consolidant la participation des citoyens à la gestion des affaires locales, régionales et nationales, en moralisant la vie publique et en modernisant la société et l’Etat, avec tout ce que cette modernisation implique comme institutions consacrant l’Etat de droit, dans le cadre de l’engagement profond en faveur des droits de l’Homme, des valeurs de solidarité sociale et de l’action inlassable pour promouvoir les catégories démunies et asseoir les bases d’une justice sociale, fondée sur l’égalité des chances et dans les emplois, la lutte contre la marginalisation et l’exclusion, l’incitation de l’investissement, l’encouragement de la libre initiative et la réforme du système de l’éducation et de la formation de façon à garantir la qualification des nouvelles générations afin qu’elles puissent contribuer à la civilisation contemporaine.
 
Mesdames et Messieurs,
Voilà qu’aujourd’hui vous soumettez à débat, différents mécanismes, méthodes et concepts qui constituent les composantes du projet civilisationnel global de notre Oumma arabe, dans le contexte d’une accumulation d’idées et d’expériences et après un riche bilan d’interactions et de réalisations, accomplies par les peuples arabes et que vous êtes appelés à analyser et à évaluer.
Nul doute que vous aurez présent à l’esprit, lors de vos débats, les facteurs de l’évolution civilisationnelle contemporaine, sa dynamique et les défis auxquels est confronté le monde arabe dans le contexte de cette évolution et ce qu’elle implique pour nous en termes de fidélité à notre identité, d’une part, et d’accompagnement de la civilisation universelle, d’autre part, ainsi que les exigences de cet accompagnement positif en matière de modernisation sur le plan institutionnel afin de garantir une coopération entre nos peuples, une complémentarité de leurs économies et leur adhésion à la révolution de l’information. Cela nous permettra de faire face d’égal à égal à toutes les unions et les autres groupements régionaux.
Nous ne ferons que nous induire en erreur et avec nous nos peuples, si nous continuons à appeler à la coopération avec autrui et à l’ouverture des frontières, alors que nos Etats ne sont pas encore parvenus à ouvrir leurs frontières respectives, n’ont pas consacré les mécanismes de la coopération économique entre les potentialités de leurs sociétés et ne sont pas encore parvenus à surmonter la provocation des crises qui leur coûtent leurs énergies, causent le démembrement de leurs entités et paralysent le développement global de leurs peuples.
 
Les défis de la globalisation, à leur tête les défis économiques, placent la réflexion économique à la tête des priorités du projet de la renaissance arabe. Et puisque cette priorité ne peut être abordée que dans le cadre d’une planification de développement global, sur la base de la qualification de la production arabe pour affronter la rude concurrence imposée par la globalisation, il devient nécessaire de s’attarder sur l’étude du projet de développement conformément aux conceptions contemporaines et aux mécanismes qui régissent le monde développé autour de nous.
 
Partant, le traitement du système des priorités dans ce projet que vous étudiez devient un élément stratégique incontournable pour connaître les aspects d’interaction et de simultanéité entre les divers fondements du projet et ses étapes.
Ces priorités ne peuvent être classées qu’une fois recensées à travers une vision globale en ce qui concerne l’analyse de notre réalité ou celle de l’évolution civilisationnelle universelle avec laquelle nous sommes en interaction, sachant que la renaissance arabe ne peut être réalisée qu’à travers l’exploration de l’identité arabe, son énergie, sa dynamique de développement et son interaction conformément aux lois universelles dans le progrès et le sous-développement, notamment la diffusion de la démocratie en tant que concept universel puisant sa richesse dans la divertisse des mécanismes de sa pratique et des valeurs civilisationnelles de chaque société.
 
De nos jours, le progrès n’est accessible qu’aux grandes entités unies qui sont les seules à pouvoir relever les défis de la société de la connaissance et de l’information, celle de demain. Votre sentiment, en tant que penseurs arabes, de la nécessité de l’unification de l’entité arabe et de sa qualification pour relever le défi du prochain siècle et ce qu’il renferme comme changements radicaux et vérités cruciales, prouve la présence de la pensée arabe dans la mobilisation générale dont nous ressentons la nécessité.
 
Cette mobilisation nous est dictée par la dynamique de nos peuples, leur foi, leur authenticité et leur génie qui sont demeurés à travers l’histoire leur capital intarissable dans chaque tournant historique critique, leur garantissant dignité et pérennité et l’accomplissement de leur mission éternelle, à condition de savoir aujourd’hui comment exploiter ce capital, à côté de la mise à profit de la modernité avec tous ses fondements et conditions démocratique, rationnelle et scientifique.
 
Nous ne pouvons, en ces moments difficiles où la lutte palestinienne connaît l’effroyable confrontation visant à oblitérer son identité arabe, que réitérer notre dénonciation de la politique agressive systématique du gouvernement israélien, réaffirmant notre solidarité absolue avec la lutte légitime du peuple palestinien frère, attachés aux valeurs de justice, de légalité, d’équité, de paix et de tolérance, qui sont les valeurs constantes de la Oumma arabe, dans le passé, le présent et l’avenir.
 
Puisse Dieu couronner de succès vos travaux.