Allocution de S.M le Roi Mohammed VI lors du déjeuner offert en Son honneur par le Président sénégalais, Abdoulay Wade

Dakar le 22/05/2001

"Louanges à Dieu,
Que la paix et le salut soient sur le Prophète, sa Famille et ses Compagnons
Monsieur le Président de la République du Sénégal,
Madame Viviane Wade,
Altesse Royale,

Excellences, Mesdames et Messieurs, 


Il y a tout juste un an, Monsieur le Président, vous étiez au Maroc pour l’une de vos premières visites officielles en dehors du Sénégal. Prenant la juste mesure de ce moment privilégié, nous nous étions alors engagés l’un et l’autre à faire preuve de volontarisme et de constance dans la mise en œuvre des objectifs ambitieux que nous avons pris la responsabilité d’afficher pour nos deux pays.

Ce soir, bien que Ma tentation soit grande de vous dire d’abord Mon émotion et Mon bonheur de me trouver sur cette terre du Sénégal qui fait partie de l’imaginaire spirituel et affectif de tous les Marocains, Je voudrais avec votre permission, Monsieur le Président, bousculer un peu les usages et reprendre le propos là où nous l’avions laissé à Marrakech en mai dernier.

 
Ensemble et prenant en compte la profondeur et l’intangibilité des relations que le Maroc et le Sénégal ont su construire et protéger au fil des siècles, nous avions appelé à un partenariat maroco-sénégalais ouvert et pragmatique, privilégiant le réalisme et l’art du possible.
Ces propos, nous allons le voir, n’ont pas été de simple convenance diplomatique et protocolaire, car en l’espace de quelques mois, nos ministres et nos experts ont réalisé un parcours impressionnant par sa diversité, sa densité et sa qualité:
- des télécommunications au transport aérien,
- de l’énergie électrique au secteur bancaire,
- et du transport maritime aux aéroports et aux routes,


Le Maroc et le Sénégal ont ouvert en commun des chantiers tous azimuts et qui sont particulièrement prometteurs pour nos deux pays.

Il n’est pas fréquent, Monsieur le Président, que deux chefs d’Etat puissent ensemble et en si peu de temps, constater que le contrat dont ils sont les dépositaires, a été rempli, peut-être même au-delà de ce que nous pouvions raisonnablement en attendre.

C’est un plaisir rare, et Je voulais en préambule et avant toute autre considération partager avec vous cette très grande satisfaction du devoir accompli qui autorise pour le Maroc et le Sénégal, les ambitions les plus grandes et qui nous incite à aller de l’avant avec le même rythme et la même détermination.


L’accueil chaleureux et fraternel qui m’a été réservé ainsi qu’à la délégation qui m’accompagne témoigne de cette exception maroco-sénégalaise qui fait vibrer nos deux peuples et qui explique le caractère privilégié de notre rencontre. En vous retrouvant à Dakar, Monsieur le Président, je retrouve un frère et un grand homme d’Etat dont tout un chacun admire la sagesse, reconnaît le militantisme dans la générosité et la fidélité persévérante dans l’amitié.

Mon émotion est d’autant plus grande et plus forte, qu’en cet instant qui nous réunit, le souvenir de la visite effectuée au Sénégal en 1964, par Mon auguste père, feu Sa Majesté Hassan II, que Dieu l’ait en Sa Sainte Miséricorde, confirme s’il en était besoin, la permanence et la force de la relation que nos deux pays ont forgée au lendemain de leurs indépendances respectives et qui a été portée à son plus haut niveau symbolique, spirituel et historique avec l’inauguration de la grande mosquée de Dakar.

Ce serait certes, une gageure, Monsieur le président, que de vouloir, ce soir, faire l’inventaire des liens tissés au fil du temps et des échanges ininterrompus au fil de notre histoire commune, mais il me paraît légitime et utile de rappeler que l’exemplarité de notre coopération et la richesse de l’héritage que nous partageons, sont assurément le socle sur lequel repose l’édifice à partir duquel nos opérateurs publics et privés vont défricher et défricheront demain les nouveaux axes d’une relation substantielle et solidaire.

D’ores et déjà, Monsieur le Président, notre coopération bilatérale, régie par un cadre juridique étoffé et qui embrasse plusieurs domaines, connaît depuis quelques mois, nous l’avons vu, une avancée qualitative remarquable, et nous devrions aujourd’hui nous en féliciter, comme Je me réjouis de voir le Maroc, grâce au souci qui vous anime, participer à la mise en œuvre de vastes chantiers de développement économique et social, initiés par votre volonté, une participation qui donne au partenariat qui est le nôtre, sa pleine signification, et affirme la dimension exceptionnelle de notre coopération.

La commission mixte qui se réunira prochainement à Dakar saura, J’en suis sûr, transformer l’essai que nous avons ensemble marqué ces derniers mois.
Je suis persuadé, Monsieur le Président, que nos deux pays disposent d’atouts majeurs, des institutions démocratiques dont la solidité n’est plus à démontrer, la prééminence d’une culture affirmée des droits de l’homme qui libère de nouvelles énergies, renforce la cohésion sociale et aide nos sociétés à se prémunir des influences extérieures multiformes qui peuvent cacher une tentation dominatrice d’un nouveau genre.

L’Afrique, consciente de cette dynamique inéluctable de la mondialisation, met légitimement en œuvre une volonté de traiter sur un pied d’égalité avec les autres ensembles régionaux et se dote progressivement de regroupements dont l’ambition affichée, dans le respect des cultures et valeurs propres à chaque pays et à chaque peuple, est de participer à l’intégration des économies du continent.

Je voudrais à cet égard, Monsieur le Président, vous dire combien le Maroc apprécie à sa juste valeur la contribution de votre pays au processus d’intégration dans la sous-région de l’Afrique de l’ouest, à travers la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’ouest (CEDEAO) et à travers l’Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA) avec laquelle le Maroc sera bientôt lié par un accord commercial et d’investissement.

Comme Je suis persuadé que l’action inlassable menée par Votre Excellence pour l’intégration africaine dans le cadre de l’élaboration et la réalisation du plan Oméga, qui trace les conditions d’un développement harmonieux de notre continent, aidera non seulement à renforcer cette intégration, mais aussi et surtout à donner à l’Afrique la place qui est la sienne, et devrait être la sienne dans le concert des nations.

Il M’est agréable aussi de constater que nos deux pays se retrouvent parties prenantes dans la jeune communauté des Etats sahélo-sahariens (CEN-SAD), comme Je suis convaincu qu’il nous serait profitable à tous d’imaginer des passerelles actives et substantielles avec l’Union du Maghreb arabe, autre ensemble indispensable, à l’équilibre africain, si cher au cœur des Marocains et qui demeure, pour le Maroc, un impératif stratégique majeur.

Monsieur le Président,
Si les avancées accomplies dans plusieurs pays africains dans la voie de la démocratie et du progrès économique et social sont pour nous des motifs de satisfaction, il n’en demeure pas moins que nous assistons de plus en plus à la résurgence de l’instabilité politique, la multiplication des foyers de tension dans plusieurs régions du continent africain.
Cette situation nous préoccupe, nous interpelle et hypothèque pour longtemps le développement économique, social et culturel de nos pays. Elle risquerait de devenir d’autant plus intenable si des mécanismes réels et efficaces ne sont pas mis en œuvre dans une politique concertée et courageuse pour alléger le fardeau de la dette, notamment par sa reconversion par la communauté internationale en investissements afin de permettre aux pays surendettes de sortir du cercle fatal du mal-développement.


Monsieur le Président,
Vous avez formulé l’an dernier à Marrakech un vœu: celui d’une marche de l’espoir pour l’Afrique. J’y adhère pleinement.

Des signes sont de plus en plus perceptibles qui annoncent une mobilisation de notre continent dans un élan de solidarité sans précèdent, comme le sursaut observé pour conjurer les pandémies et qui se traduit par de multiples initiatives publiques et privées que devrait soutenir l’ensemble de la communauté internationale, par des efforts plus fermes, plus convaincus, plus convaincants et plus conséquents.

Je me réjouis également de la mobilisation observée à l’échelle de notre continent en faveur des droits de l’Enfant. Le Sommet de Marrakech des premières dames africaines a recommandé la défense, le développement, la protection et la consécration des droits de la petite fille dans le cadre d’un mouvement global pour le développement de l’Afrique.

La déclaration de Marrakech constitue, sans conteste, une contribution précieuse de l’ensemble africain à la prochaine session extraordinaire de l’assemblée générale des Nations Unies consacrée à l’enfant.


Monsieur le Président,
La situation au Moyen-Orient constitue pour nous tous une source de préoccupation en raison des raids entrepris contre les pays de la région et de la recrudescence de la violence contre la population civile palestinienne désarmée.

La communauté internationale, devrait, à cet effet, agir rapidement en vue d’amener Israël à respecter les résolutions des Nations Unies et la légalité internationale en se retirant de tous les territoires arabes occupés, et à respecter les droits légitimes du peuple palestinien à avoir un Etat indépendant avec Al-Qods Asharif comme capitale.

Monsieur le Président,
La chaleur de votre accueil, l’hospitalité du peuple sénégalais, l’excellence de nos relations, la richesse de nos liens séculaires, la fraternité qui unit nos deux pays, sont autant de manifestations qui témoignent de la solidité de notre coopération mais surtout des gages qui assureront et garantiront son enrichissement, son approfondissement et sa pérennité.

Excellence,
Mesdames et Messieurs,
Je vous prie de vous lever en l’honneur de notre frère, Son Excellence, Maître Abdoulaye Wade, pour former nos vœux les plus sincères de bonne santé pour sa personne et de prospérité et de progrès pour le peuple sénégalais et pour l’épanouissement des relations maroco-sénégalaises dans l’amitié et la fraternité