Message de S.M. le Roi Mohammed VI aux participants au Colloque sur la marocanité du Sahara dans le patrimoine historique et littéraire

Tétouan le 20/04/2001

"Louange à Dieu,
Que la prière et la paix soient sur le Prophète, Sa famille et Ses compagnons
Mesdames et Messieurs,

En vous adressant ce message Royal à l’ouverture des travaux de votre Colloque sur la marocanité du Sahara dans le discours historique et littéraire, nous voudrions vous exprimer notre bénédiction et la grande sollicitude dont nous entourons cette manifestation qui se tient dans la ville militante de Tétouan, dont les attaches affectives sont restées fortes avec nos différents sujets au Sahara durant toute la période de la colonisation espagnole du nord et du sud de notre Royaume, tout en exaltant l’action visant à faire en sorte que l’activité intellectuelle et le combat culturel au service de la consécration et de la préservation de l’unité nationale marocaine aillent de pair avec toute autre oeuvre nationale.

De fait , la marocanité du Sahara est une réalité historique qui se manifeste dans le patrimoine intellectuel et littéraire, les Dahirs chérifiens, les lettres Royales adressées aux chioukh des tribus relatives à leur nomination, et à la révérence et au respect qui leur sont dus, ainsi que dans l’ensemble de leurs correspondances.

La marocanité du Sahara s’illustre également dans les épopées de l’Histoire marocaine, les récits de voyage, les documents historiques et les différents manuscrits. Ce riche patrimoine qui représente une profusion de témoignages et de preuves de la marocanité du Sahara, fruit du génie de l’ensemble des Marocains qu’ils soient du nord ou du sud, patrimoine qu’ils ont bien su préserver, montre que l’Histoire du Maroc tire ses racines dans les tréfonds des provinces du Sud de notre Royaume et que cette histoire a continué à tirer sa vitalité et son renouveau de cette profondeur saharienne du Maroc depuis l’avènement de la dynastie des Almoravides.
Le ressourcement dans ce patrimoine, en particulier dans le domaine des lettres et de l’histoire pour mettre en lumière cette réalité et l’enraciner dans la mémoire nationale, constitue à la fois un devoir patriotique et un Jihad, non moins importants que le Jihad engagé par notre peuple avec toutes ses composantes sous la conduite de nos prédécesseurs vénérés pour préserver l’unité marocaine du nord au sud et faire échec à toutes les manoeuvres et visées coloniales quels qu’en soient l’origine et les objectifs.

C’est pourquoi la Marche Verte, fruit du génie de notre vénéré père, Sa Majesté Hassan II, que Dieu bénisse son âme, qui a conduit sa destinée afin de récupérer les provinces du Sud, avec cette démarche légitime et pacifique ayant suscité l’admiration du monde, a constitué une étape dans le processus de parachèvement de l’unité territoriale du Maroc, partant du pacte d’allégeance (Beia) qui fait obligation à l’ensemble des Marocains, avec toutes leurs composantes et dans toutes les provinces du Royaume, de se mobiliser autour du Trône, tout comme elle implique la responsabilité pour le Roi, Amir Al-Mouminine, de défendre cette unité et garantir sa pérennité.

Mesdames et Messieurs,
La dimension géographique, nationale et institutionnelle du Maroc fait pendant à sa dimension culturelle, intellectuelle et doctrinale, qui constitue le cadre de la culture nationale. Tout comme le Maroc renferme cette diversité de reliefs et cette complémentarité entre le désert, les montagnes et les plaines, la culture du Maroc se distingue par cette diversité dans la création et la pensée qui fait des multiples spécificités culturelles et linguistiques de fins cordons tissant cette unité nationale harmonieuse. Nul doute que le discours littéraire et historique en est le meilleur témoignage.

C’est pour cela que le Maroc, avec toutes ses composantes et ses institutions nationales et à leur tête le glorieux Trône Alaouite, n’a cessé d’exprimer son attachement et son ferme engagement à préserver cette unité scellée par une histoire enracinée s’étalant sur des siècles.
Cette unité s’était toutefois exposée durant la période coloniale à des tentatives de démembrement et à des manoeuvres de partition. Le colonialisme, sous diverses nationalités, a tout tenté pour transformer le Maroc en entités déracinées en propageant le doute sur l’unité.

Toutefois, le Jihad de tous les Marocains durant la période de la résistance, sous la conduite de notre regretté grand père et de notre défunt père, engagés en cela par le pacte de l’allégeance à l’instar de leurs aïeux pour la préservation du Sahara marocain, a fait avorter toutes les manoeuvres de partition et de séparatisme.

Les complots du colonialisme n’ont pu ébranler ce pacte légitime auquel nos sujets au Sahara sont attachés indéfectiblement. C’est ce qui explique le secret de cette symbiose entre le Roi et le peuple aussi bien au nord qu’au sud, qui a forcé l’admiration du monde au cours de la Marche Verte, traduisant la mobilisation des composantes de la nation marocaine derrière son guide, artisan de la marche et unificateur du Royaume. Les jeunes générations de Marocains du nord ont ainsi retrouvé les jeunes générations de leurs frères au Sahara, comme se retrouvaient naguère leurs ancêtres, qui étaient tous de même origine.

Si la Marche Verte a réalisé son objectif premier en rétablissant cette cohésion nationale, elle a été le prélude d’une nouvelle marche de développement des provinces du Sud, en les dotant des équipements et des infrastructures de base ainsi qu’on y lançant de nombreux chantiers dans tous les domaines.

Suivant la voie de notre défunt père de consacrer ce développement global de nos provinces sahariennes comme étant l’incarnation de l’unité de la citoyenneté marocaine entre nos sujets dans le nord et dans le sud, nous n’avons ménagé, depuis notre accession au Trône de nos glorieux ancêtres, aucun effort en vue de développer ces provinces pour des horizons prometteurs et un haut niveau que nous escomptons pour nos chers sujets qui s’y trouvent, en continuant le lancement davantage de chantiers dans tous les secteurs socio-économiques et productifs pour y investir toutes les ressources humaines, notamment les jeunes et les femmes, afin qu’ils s’intègrent dans le projet de développement à la réalisation duquel nous sommes fermement décidés, tout en œuvrant à conférer aux fils de la région leur droit d’être associés à la gestion de la chose publique de leur quotidien et à la préservation de leurs spécificités culturelles, convaincus en cela que la régionalisation et la décentralisation, dans ses plus larges acceptions et manifestations démocratiques, dans le cadre du consensus, de la souveraineté, de l’unité nationale et territoriale du Royaume, constitue le meilleur choix et la plus juste voie pour transcender le différend artificiel sur la marocanité du Sahara, dont votre forum offre une nouvelle occasion pour la réitérer.

Le processus démocratique régional, que nous parrainons avec fermeté, détermination et fidélité, permettra à tous les citoyens marocains, plus particulièrement nos fils au Sahara, de traiter leurs questions et de gérer leurs affaires selon leurs besoins, dans une optique où la décentralisation régionale est une exigence nationale et une requête démocratique visant à mettre en synergie toutes les compétences et les ressources humaines aux plans local, régional et provincial, convaincus que nous sommes que la diversité enrichit et consolide l’unité nationale. La démocratie n’est pas seulement la consécration de l’égalité dans le cadre de l’Etat de droit, mais elle requiert aussi une dimension culturelle incarnée par le respect des particularités régionales et leur conférer l’espace adéquat à même d’assurer leur continuité et leur créativité et consacrer leur identité.

Mesdames et Messieurs,
Nul doute que la littérature marocaine, tous genres et styles confondus, n’est que l’expression de la réalité de l’unité culturelle et de la marocanité du Sahara. Dans la poésie sahraouie, le poème arabe et hassani s’accordent à exprimer le soi, la lutte patriotique ou le loyalisme au glorieux Trône Alaouite. Ceci concerne aussi les autres genres littéraires. Ces aspects sont manifestes, pour les chercheurs du patrimoine marocain, dans l’unité des programmes, des manuels scolaires et des cours dispenses dans les zaouias et médersas, dans des villes telles que Smara, Dakhla, Laâyoune, Tarfaya comme à Marrakech, Tétouan et Fès, à titre d’exemple. Comme nous retrouvons une prédominance dans tous les territoires du Royaume du Maroc du rite malékite avec son référentiel et du soufisme sunnite avec ses chioukh.

C’est ainsi qu’apparaît l’extrême importance de votre forum qui va permettre aux chercheurs d’apporter des éclairages sur l’Histoire du Maroc et de mettre en exergue les éclatantes vérités de la marocanité du Sahara, et conforte la foi en cette réalité, preuves et documents à l’appui. L’unité nationale marocaine, y compris la marocanité du Sahara, n’est pas une simple affaire politique, mais elle est surtout un tissu englobant généalogie, langue, doctrine, religion, soufisme et institutions. Aucun discours politique unitaire ne saurait être crédible qu’en partant de ces constantes qui sont les fondements de la nation marocaine et du glorieux Trône marocain.

La tenue de cette prestigieuse conférence sur le Sahara à Tétouan, à l’extrême nord du Royaume, est une autre preuve de l’unité du Maroc et de la propagation de ce sentiment au sein de toutes les composantes du peuple marocain.

C’est pour cela que nous nous félicitons de cette manifestation qui vient confirmer le succès de la première rencontre à Laâyoune, en exaltant la collaboration entre l’Association Fès-Saïss et l’Association Tétouan-Asmir pour assurer la réussite de ce forum qui vise l’ouverture d’un espace marocain où confluent les efforts des chercheurs pour le dialogue et l’approfondissement de la prise de conscience de l’unité nationale et la marocanité du Sahara et leur consécration dans la mémoire nationale pour qu’elles puissent être perpétuées par les générations futures. Nous souhaitons succès à toutes les compétences qui ont pris part à cette conférence ou contribué à son organisation.