Texte intégral du message de SM le Roi à la 1ère réunion du comité de suivi de la conférence des organisations francophones chargées des droits de l'Homme

Marrakech le 27/02/2004

"Louange à Dieu,
La prière et la paix sur le Prophète, Sa Famille et Ses Compagnons,

Monsieur le Secrétaire Général de l'Organisation Internationale de la Francophonie,
Excellences,
Mesdames et Messieurs,

Il Nous est très agréable de souhaiter la bienvenue aux responsables des structures gouvernementales chargées des droits de l'Homme dans l'espace francophone, à l'occasion de la première réunion du Comité de Suivi qui en est issu.

Nous tenons à assurer de toute Notre considération l'Organisation Internationale de la Francophonie qui a bien voulu organiser cette importante rencontre au Royaume du Maroc. A cet égard, Nous Nous félicitons des actions remarquables qu'elle mène sous l'impulsion de son Secrétaire Général, Son Excellence Monsieur le Président Abdou DIOUF, grand ami du Maroc depuis toujours et éminent homme d'Etat africain.

Votre réunion d'aujourd'hui s'inscrit dans le droit-fil des objectifs de l'Organisation visant à faire de la Francophonie un instrument au service du progrès des pays les moins développés et à concrétiser les valeurs qui président à son action, en particulier, celle de la solidarité.

A cette vertu s'allie la volonté d'aller de l'avant dans la consolidation d'un espace culturel original et influent, reposant sur la diversité, attaché au respect du pluralisme et animé du désir d'avoir en partage une culture francophone imprégnée des droits de l'Homme et puisée dans la Déclaration historique des Droits de l'Homme et du Citoyen.

Celle-ci, outre les référentiels dont se réclament les civilisations des différentes composantes de cette Organisation, a constitué un confluent fécond d'où sont issus des principes marqués du sceau de l'universalité, et qui est devenu un patrimoine commun de l'humanité.

Ces fondements et ces principes, le Maroc en a fait une option stratégique. Il les a érigés en bases fondatrices de sa Monarchie constitutionnelle démocratique en vertu de laquelle il échoit au Roi la mission de garantir et de protéger les droits et les libertés individuelles et collectives.

De fait, il s'est imposé, comme un modèle et un pionnier parmi les pays en développement, notamment en prohibant constitutionnellement le système du parti unique et en consacrant le pluralisme et la libre entreprise. Parallèlement, bravant la précarité des circonstances et l'ampleur des défis, il s'est employé, avec constance et ténacité, à édifier un Etat moderne des institutions, sous la conduite sage et éclairée de Nos vénérés Grand-père et Père, Leurs Majestés les Rois Mohammed V et Hassan II, que Dieu sanctifie Leur âme et Leur mémoire.

Depuis Notre accession au Trône, Nous ne cessons d'oeuvrer pour consolider l'Etat de droit, promouvoir les droits de l'Homme, élargir les espaces de liberté et régler toutes les questions restées en suspens dans ce domaine. Nous Nous employons à renforcer et moderniser les organes et les institutions susceptibles de conforter davantage encore la dignité du citoyen.

Nous avons adopté pour cela une approche globale des droits de l'Homme où s'imbriquent et se complètent les dimensions politique, économique, sociale et culturelle. Inscrivant Notre action dans le cadre de la démocratie participative de proximité, Nous avons mobilisé à cet effet toutes les forces vives de la nation.

Outre les pouvoirs publics que Nous avons mis également à contribution, Nous encourageons toute force de proposition constructive et toute action positive menée sur le terrain par les organisations de la société civile.

Dans tous ces efforts, Nous sommes parti du postulat que démocratie et développement sont indissociables, tout en réaffirmant que Notre référent islamique qui repose sur le respect de la dignité humaine et sur les principes de liberté, d'égalité, d'équité, et de solidarité, s'accorde de façon consubstantielle avec le référentiel universel des droits de l'Homme.

Cette compatibilité, Nous en avons fait la démonstration tangible par les nombreuses et audacieuses réformes que Nous avons engagées, et qui font l'objet d'un consensus national et d'une grande estime internationale. A cet égard, Nous rappellerons en particulier l'adoption d'un code moderne de la famille, qui rend justice à la femme, en levant toutes les iniquités qui pesaient sur elles, en assurant son égalité avec l'Homme, dans les droits, comme dans les devoirs, en garantissant les droits de l'enfant et en préservant la dignité de l'homme, dans le cadre d'une Famille soudée et aux responsabilités partagées.

Le même mouvement de réforme nous a également permis de mettre au point de nouveaux mécanismes et organes de régulation au service du citoyen et de l'approfondissement de la pratique sociale des droits de l'Homme.

Dans ce cadre, Nous avons veillé à moderniser et à élargir les attributions et l'autonomie des institutions et organes de protection des droits de l'Homme et de la liberté d'expression, à garantir le pluralisme et à protéger et renforcer le processus démocratique.

D'où la mise en place d'une Haute Autorité de la Communication Audiovisuelle, la réorganisation du Conseil Consultatif des Droits de l'Homme , la présence accrue de la société civile et de la Femme au sein des institutions constitutionnelles tels le parlement et le gouvernement et dans la hiérarchie supérieure de l'Etat.

C'est également dans cet esprit que fut créée l'institution de " Diwan Al Madalim ", organe de médiation entre le citoyen et l'administration dont la vocation est de favoriser la communication entre ces deux parties, de faire prévaloir le droit et de lever les iniquités dans le cadre de la loi et de l'équité.

Nous avons également oeuvré à la création de "l'instance d'équité et de réconciliation". Organe issu du Conseil Consultatif des Droits de l'Homme, ouvert sur des sensibilités et des spécialités parmi les plus représentatives, crédibles et variées, il saura, Nous en sommes persuadé, tirer le meilleur parti des réalisations qui ont déjà été accomplies par la Commission indépendante d'arbitrage, pour réparer les préjudices subis par les victimes des détentions arbitraires et des disparitions forcées.

Ce que Nous recherchons en définitive, c'est de faire ressortir la vérité en toute objectivité, et de tirer les enseignements nécessaires avec toute l'impartialité requise. Il s'agit, en effet, de trouver un règlement juste et équitable, humain et civilisé, et de clore définitivement et avec toute l'audace, la sagesse et l'engagement nécessaires, le dossier épineux des violations passées des droits de l'Homme.

Nous sommes convaincu que pour que la culture des droits de l'Homme imprègne tous les esprits, encore faut - il inscrire l'éducation à ces droits dans les cursus de l'enseignement, tous niveaux confondus. Aussi, avons - Nous adopté, dans le cadre de la Charte nationale décennale de l'éducation et de la formation, un programme bien défini en la matière.

De même, Nous avons chargé le Conseil Consultatif des Droits de l'Homme d'élaborer un projet de Charte nationale des Droits et Obligations du Citoyen. Nous avons aussi engagé Notre gouvernement à placer la protection de la dignité du citoyen au coeur de son action, de telle sorte que l'assimilation et l'adhésion sans faille à la citoyenneté agissante et aux droits de l'Homme, s'érigent en rempart pour contrer les menaces que font planer sur le monde, les démons du terrorisme dans toutes ses manifestations criminelles ou intellectuelles et sournoises, et pour contrecarrer le fanatisme sous toutes ses formes.

Nous veillons à ce que Notre pays dispose des moyens nécessaires à une pédagogie de respect de l'autre, et du droit à la différence, privilégiant le règlement pacifique pour tous les différends, favorisant la connaissance mutuelle entre les peuples, l'interaction entre les cultures et les civilisations et les rapports fraternels entre les nations et les religions.

Dans toutes les réformes introduites et celles en cours de réalisation ou de planification, le Maroc s'en tient toujours à une approche fondée sur une adhésion sans faille aux principes des droits de l'Homme et sur la dissémination de la culture démocratique dans la société. Ce faisant, il est resté constamment ouvert sur les expériences et les législations les plus avancées chez les autres.

Le Maroc qui est attaché à l'unité de son identité, si riche par la multiplicité de ses confluents islamique, arabe, amazigh, africain et euro-méditerranéen, est resté, à travers son histoire, ouvert sur toutes les cultures, offrant un terrain fertile pour le brassage fécond de ces cultures, et un lieu propice de rencontre, sans exclusive, et dans la convivialité, entre toutes les religions révélées et entre les civilisations humaines.

C'est dire que le Maroc, contrairement à une croyance erronée et éculée de certains esprits, ne réduit pas la francophonie à sa seule composante linguistique, à savoir la langue française. Bien au contraire, il considère les idéaux communs et le patrimoine culturel et humain dont elle se réclame, comme un héritage légué par une phase déterminée de l'histoire.

Les aspects négatifs en ont été transcendés par le génie français et marocain, qui a su transformer ces acquis en un partenariat stratégique exemplaire fondé sur le multilinguisme, le brassage culturel et la diversité des champs de déploiement de la francophonie, tout cela dans un vaste espace de coopération économique, de solidarité politique et de construction de la démocratie et du développement, dans le cadre d'un ordre mondial équilibré.


Monsieur le Secrétaire Général,
Excellences,

La participation francophone active au Sommet de Johannesburg sur le développement durable, et au Sommet mondial sur la Société de l'Information, ainsi que l'engagement constant de l'Organisation en faveur de la réglementation de la diversité culturelle, témoignent de l'ambition de ses membres qui ont toujours oeuvré pour que la Francophonie soit un digne vecteur au service du développement, sur la base de la solidarité agissante et constante.

Nous voudrions, à cet égard, vous assurer de Notre ferme détermination à soutenir cette dynamique fondée sur les droits de l'Homme dans leurs dimensions globales et plurielles. Nous saluons aussi les progrès enregistrés ces dernières années en matière de renforcement de la démocratie et des droits de l'Homme au sein de la communauté francophone, laquelle est invitée à s'investir davantage dans la mise en oeuvre de la Déclaration de Bamako et des Résolutions de la Conférence de Brazzaville. Il importe, pour cela, de consolider le processus démocratique dans chaque pays et de mettre en place des institutions démocratiques tirant leur force de la régularité de leurs élections et de la primauté de la loi.

Il faut aussi que prévale la volonté de concertation, de coopération et de partenariat entre tous les acteurs, à savoir les pouvoirs publics, les institutions élues, le secteur privé, et la société civile. A cet égard, il est nécessaire de renforcer les réseaux de protection des droits de l'Homme, et les mécanismes prévus pour assurer leur propre protection et leur appui ; autant d'éléments qui constituent le meilleur moyen de garantir la paix et de libérer les énergies en faveur du progrès.

Le Maroc, attaché aux vertus de l'échange et du partage du savoir - faire, entend poursuivre sur la voie de la concertation et du dialogue. Aussi, mettons - nous volontiers notre modeste expérience à la disposition de nos frères, sans perdre de vue le fait que même si chaque expérience a son référentiel culturel intrinsèque, ces expériences contribuent, néanmoins, toutes au mouvement qui mène vers la consécration de l'universalité des droits de l'Homme.

Nous avons conscience, en effet, que l'évolution démocratique que nous appelons de tous nos voeux, est un moyen efficace pour relever les défis de notre époque, et pour concrétiser les aspirations légitimes des générations d'aujourd'hui et de demain. Nous sommes convaincu que la rencontre d'aujourd'hui constituera une contribution effective pour gagner ce pari au sein de l'espace francophone dont nos cultures respectives partagent les idéaux qui sont les siens.

Puisse Dieu couronner vos travaux de succès, pour le plus grand bien de nos peuples frères et amis.
Wassalamou Alaïkoum Wa Rahmatoullahi Wa Barakatouh".